Les insoumisEs de Créteil se sont réunit le 17 octobre pour débattre de la VIème République démocratique, sociale, écologique, féministe et antiraciste.
Parler de démocratie dans une commune qui détient un record en matière de longévité du maire qui est là depuis 1977, soit 47 ans, ce n’est pas anodin. Cette anomalie ne reflète clairement pas notre vision, c’est le moins qu’on puisse dire, de la VIème République.
La dernière élection municipales de 2020 dans le contexte COVID s’est faite au second tour avec 77,36% d’abstention : 6680 voix ont suffit pour élire le maire sur 44 558 inscrits soit 15 % à peine ! Une véritable grève civique à Créteil qui est à l’image de celle qui traverse tout le pays. Nous voulons de la démocratie à tous les niveaux : dans nos villes et territoires, à l’échelle nationale, dans nos entreprises et dans nos services publics.
La commune doit d’ailleurs jouer un rôle central pour la réussite de la Constituante que nous appelons de nos vœux : forum citoyen et enregistrement des cahiers de doléances notamment. Nous souhaitons également nous appuyer sur les centres communaux d’action sociale (CCAS), les associations de lutte contre l’exclusion, mais aussi sur les maisons de la jeunesse et de la culture (MJC), les centres sociaux, les acteurs et actrices de l’éducation populaire pour permettre la participation de toutes et tous à ces débats, et notamment de celles et ceux qui en sont habituellement exclu·es : les plus pauvres, les habitant·es des quartiers populaires, les jeunes.
La réunion des insoumisEs de Créteil se tenait alors même que François Hollande avait été invité le même soir à Créteil pour présenter son nouveau livre. S’agissant des institutions, l’ancien président de la République avait proposé dans un précédent livre de faire évoluer la Vème République vers un régime présidentiel à l’américaine. Projet pour le moins étonnant alors que la démocratie américaine est en décrépitude ! L’ancien Président n’est donc pas en faveur de la VIème République défendue par le Nouveau Front Populaire (NFP) et fustige d’ailleurs l’alliance du PS avec la France Insoumise. Après Bernard Cazeneuve également hostile au NFP qui avait tenté de lancer son mouvement à Créteil l’année dernière, il serait grand temps que l’on cesse de nous infliger dans notre ville le retour des anciens du PS qui sont des obstacles à l’unité de la gauche. D’ailleurs, rappelons que Raphaël Glucksmann qui souhaite construire une alternative social-démocrate contre NFP, avec l’appui de François Hollande et Bernard Cazeneuve, est arrivé avec 13, 45 % très loin derrière la liste de la LFI menée par Manon Aubry qui a atteint le score de 30,16 % à Créteil.
Après le rappel de ce contexte, il paraît intéressant de revenir sur quelques points saillants du débat insoumis sur la nécessité de passer à la VIème République en complément des arguments exposés dans un précédent article écrit à chaud après la défaite de l’extrême droite aux législatives : Vite, la VIème République ! – Créteil Insoumise (insoumisdecreteil.fr).
L’état d’exception et la Vème République
Au cours de la soirée, il a été souligné que la Vème République est né sous les auspices de l’état d’urgence et de la politique coloniale comme le rappelle Eugénie Mérieau dans son dernier livre Géopolitique de l’état d’exception.
Ainsi, la loi sur l’état d’urgence est votée le 3 avril 1955 au début de la Guerre d’Algérie. Suite au putsch d’Alger du 13 mai 1958, l’état d’urgence a été déclaré pendant 3 mois par l’Assemblée nationale. La C.G.T. estime alors que ” la majorité de l’Assemblée nationale a décidé d’abandonner entre les mains d’un gouvernement de caractère personnel et dictatorial les pouvoirs qu’elle détenait du peuple “.
De Gaulle après avoir mis en place la Vème République par ce coup de force utilise à plusieurs reprises ce régime entre 1961 et 1963, via l’article 16 de la Constitution cette fois-ci sans contrôle du Parlement. L’article 16 est un emprunt à la constitution de Weimar qui a mené les nazis au pouvoir en 1933.
Il a été rappelé que le 17 octobre 1961 des algériens sont morts sous les coups de la police française dirigée par Papon, collaborateur pétainiste et antisémite pendant la seconde guerre mondiale. Ils manifestaient pacifiquement contre le couvre feux qui les visaient dans le cadre d’un état d’urgence imposé suite au putsch des généraux d’Alger. Des dizaines de morts ce jour là et des centaines pendant deux mois de répression sanguinaire.
Le 8 février 1962 la police tue 9 militantEs CGT et PCF au métro Charonne dans le cadre d’une manifestation du PCF contre la guerre d’Algérie et contre l’Organisation de l’Armée Secrète qui organisait des attentats terroristes en France pour défendre l’Algérie française.
Puis l’état d’urgence a été instauré en Kanaky en 1984/1985 : la répression tue 15 kanaks dont les deux frères de Jean-Marie Tjibaou, leader du Front de libération national kanak et socialiste (FLNKS) qui signera les accords de Matignon en 1988 et qui sera tué l’année suivante par un militant kanak opposé aux accords. Son fils Emmanuel Tijbaou est depuis cette année le deuxième député kanak de l’histoire.
Cela fait écho évidement avec la terrible répression qui s’abat aujourd’hui sur la Kanaky avec 13 morts et des prisonniers politiques à des milliers de km de leurs proches. Le lien a été fait aussi avec la Martinique pour laquelle la seule réponse de Macron a été d’envoyer la CRS 8 pour mater la révolte en cours contre la vie chère et les profiteurs békés.
Nous demandons d’ailleurs que les Français d’Outre-mer et de Corse participent au processus constituant à travers un congrès général des territoires éloignés et insulaires, qui définit les formules communes les plus adaptées à leurs situations particulières, avec comme boussoles le plein respect de la souveraineté populaire et l’objectif d’une égalité réelle.
En 2005, de nouveau l’état d’urgence est mis en place au moment de la révolte des banlieues suite à la mord de Zyed Benna et Bouna Traoré. Puis nouvel état d’urgence de 2015 à 2017 suite aux attentats terroristes avant que la loi Sécurité Intérieure et Lutte contre le Terrorisme du 30 octobre 2017 inscrive l’état d’urgence dans le droit commun : assignation à résidence, perquisitions administratives, périmètres de protection…
Cet état d’exception a continué à faire son chemin dans 3 lois en 2021 et notamment dans l’organisation des JOP qui a été le prétexte pour multiplier les mesures sécuritaires.
Voici le bilan de la Vème République en matière de libertés publiques et de répression meurtrière. Le RN s’accommoderait finalement très bien des institutions de la Vème République.
Urgence de la VIème République
Il y a donc nécessité vitale pour notre démocratie de porter cette revendication de nouvelle République. Il faut se féliciter que l’ensemble du NFP est rallié à l’idée de la VIème République qui est maintenant dans le programme commun du NFP.
Le calendrier prévu en 2022 par le programme de l’Avenir en commun était le suivant. À la suite des élections du printemps 2022, le nouveau président de la République soumettait aux Français·es au titre de l’article 11 de la Constitution, par référendum, un projet de loi de convocation de l’Assemblée constituante. En cas de réponse favorable à ce projet, l’élection pour en désigner les membres était organisée au cours du second semestre 2022 pour que l’Assemblée constituante entre en fonction au plus tard le 1er janvier 2023.
Cette Assemblée aurait eu alors deux ans pour élaborer un projet de texte constitutionnel, en concertation avec le pays entier (cahiers de doléances, mécanismes d’interpellation citoyenne des membres de l’Assemblée constituante, forums citoyens, etc.). À l’issue de ce processus, le texte constitutionnel ainsi rédigé était soumis au référendum au plus tard début 2025 puis, en cas de vote positif, promulgué dans la foulée comme Constitution de la 6e République. En cas de vote négatif, l’Assemblée constituante devait se remettre au travail.
Évidemment, avec l’élection de Macron en 2022 que de temps perdu alors que le péril de l’extrême droite ne fait que progresser.
Face à cette menace, est-il possible de proposer un nouveau calendrier d’urgence pour faire vivre cette idée centrale de notre programme ? Est-il possible de passer outre l’initiative présidentielle pour lancer le processus constitutionnel ? Ces questions restent ouvertes mais il nous semble que c’est l’une des tâches du NFP que de donner des perspectives immédiates à cette revendication de VIème République qui pourrait bien cristalliser l’espoir populaire d’une véritable alternative de rupture. D’ailleurs, selon un sondage Ifop pour le journal Politis publié en juillet dernier, 63 % des français·es sont favorables à une nouvelle constitution.
L’actualité immédiate est à la lutte contre le budget austéritaire et à l’abrogation de la réforme des retraites dans le lequel tout le NFP doit être engagé avec l’appui des associations et des syndicats. Mais peut-on, alors que la procédure de destitution du Président de la République de l’article 68 est toujours en cours malgré les blocages des macronistes et du RN, imposer dans le débat public la question de la VIème République ? L’hypothèse à vérifier est que la dérive autoritaire de Macron et son impopularité historique pourrait conduire à précipiter la chute du régime de la Vème République.
Du point de vue des insoumisEs de Créteil, manifestement, le plus vite sera le mieux !
Thomas DESSALLES – Créteil, le 31 octobre 2024
Pour aller plus loin sur la question de la VIème République :
Constituante – Livret thématique – Mélenchon 2022 (melenchon2022.fr),
Comment nous allons passer à la 6e République – Mélenchon 2022 (melenchon2022.fr),
? #AMFIS2024 | La 6e République pour sortir de la crise de régime ! (youtube.com),
La Ve République et les fictions de la démocratie libérale – Eugénie Mérieau (youtube.com).