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Lundi 4 mars 2024, le Parlement réunit en Congrès à Versailles a inscrit à l’article 84 de la Constitution que « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. »

C’est l’aboutissement d’une longue bataille en France.  En 1942, l’avortement est considéré comme un « crime contre l’État », puni de la peine de mort. En 1971, « Le manifeste des 343 », rédigé par Simone de Beauvoir, est publié : 343 femmes affirment qu’elles ont avorté, s’exposant par là-même à des poursuites pénales. En 1972, au « procès de Bobigny », Marie-Claire, une jeune femme qui a avorté après un viol est relaxée pour la première fois. Elle était défendue par Gisèle Halimi et soutenue par des mouvements féministes. Enfin en 1975, la loi Veil est adoptée, légalisant l’IVG. Le vote définitif a lieu en 1979. En 1990, l’IVG médicamenteuse est autorisée à l’hôpital. En 2000, la délivrance sans ordonnance des contraceptifs d’urgence est autorisée. Elle se fait pour les mineures à titre gratuit dans les pharmacies. Les infirmières scolaires sont autorisées à administrer une contraception d’urgence dans les cas de détresse. En 2001 est adopté l’allongement de 10 à 12 semaines du délai légal pour l’avortement. Les mineures dépourvues d’autorisation parentale peuvent avoir recours à un adulte référent de leur choix.  En 2004, l’avortement médicamenteux pratiqué par les médecins dans leurs cabinets est autorisé, puis en 2007, il peut être délivré dans les Centres de planification et d’éducation familiale (CPEF). En 2013, l’IVG est remboursée à 100% par la Sécurité sociale. En 2014, l’IVG devient accessible sans restriction à toutes les femmes qui ne souhaitent pas poursuivre une grossesse, c’est la loi Vallaud-Belkacem qui modifie la loi Veil et supprime la condition de détresse avérée. Par ailleurs, si un professionnel de santé empêche une patiente d’avoir recours à l’IVG (par exemple, en ne lui délivrant pas les informations nécessaires) il s’expose à des poursuites pour « délit d’entrave ». En 2016, le délit d’entrave à l’IVG est étendu aux plateformes numériques. Le remboursement du parcours d’IVG, c’est-à-dire l’ensemble des actes associés à l’IVG (examens de biologie, échographies, consultation de recueil du consentement…) est intégralement remboursé. En 2022, le délai légal pour avoir recours à l’avortement passe de 12 semaines à 14 semaines. Une femme sur trois en moyenne a recours dans sa vie à l’avortement en France. 

La constitutionnalisation de l’IVG est portée de longue date par notre camp. Jean-Luc Mélenchon le défendait déjà dans son programme en 2012. Des amendements, tous rejetés par les macronistes, ont proposé l’inscription de ce droit dans la Constitution en 2018. Mathilde Panot a déposé avec l’ensemble du groupe parlementaire un projet de loi constitutionnelle après la décision de la Cour suprême des États-Unis d’annuler le 24 juin 2022 l’arrêt Roe vs Wade reconnaissant depuis 1973 le droit à l’avortement au niveau fédéral. C’est un retour en arrière considérable : chaque État peut de nouveau interdire ou autoriser l’avortement. Ce revirement a notamment été rendu possible par la nomination de trois nouveaux magistrats conservateurs par Donald Trump. Depuis, 14 États ont choisi de rendre l’avortement totalement illégal et sept autres le restreignent drastiquement, par exemple en fixant le délai légal pour recourir à une IVG à 6 semaines de grossesse. Nous avons défendu, lors de notre niche parlementaire, l’inscription dans la Constitution que « Nul ne peut porter atteinte au droit à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception. La loi garantit à toute personne qui en fait la demande l’accès libre et effectif à ces droits. ». Le texte est modifié en séance, puis considérablement amoindri par les sénateurs. Il faudra attendre janvier 2024 pour qu’enfin Emmanuel Macron tienne sa promesse et permette l’examen d’un projet de loi constitutionnelle. Ce texte, qui n’est donc pas issu d’une initiative parlementaire, permet de convoquer un congrès réunissant les parlementaires des deux chambres du Parlement. Le vote doit réunir la majorité des 3/5ᵉ des suffrages exprimés. C’est bien une bataille culturelle que nous remportons ce lundi aux côtés des associations féministes !


Impossible pourtant d’en rester là alors que des milliards de femmes sont privées d’accès à l’IVG dans le monde. Mathilde Panot a déposé une proposition de résolution européenne afin de garantir le droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En Italie, s’il est légalement possible d’avorter jusqu’à 12 semaines de grossesse, il est en réalité quasiment impossible d’y avoir accès : 67 % des gynécologues ont, en 2019, refusé de pratiquer l’IVG au nom de la clause de conscience. En Hongrie, depuis 2022, les femmes sont obligées d’écouter les battements de cœur du fœtus avant mettre un terme à leur grossesse. La contraception d’urgence n’est accessible que sur ordonnance et elle n’est pas remboursée. En Pologne, le droit à l’avortement est légalisé 1953 et gratuit. Il est ensuite restreint à plusieurs reprises et en 2020, l’IVG est interdite même dans le cas d’une malformation grave et irréversible du fœtus et d’une maladie incurable ou potentiellement mortelle. Six femmes enceintes sont depuis décédées, faute de soins médicaux. Ainsi, en janvier 2022, Agnieszka T. est décédée à l’hôpital. Quelques semaines auparavant, un des jumeaux dont elle est enceinte perd la vie. Sa famille estime que le personnel médical a refusé d’extraire le premier fœtus de peur de compromettre les chances de survie du second. Agnieska a donc dû attendre que le cœur du second fœtus cesse de battre avant que les médecins n’acceptent de procéder à un avortement. Son état de santé de santé s’est considérablement dégradé tout au long de son hospitalisation, sans intervention du personnel médical. Pour que cela n’arrive plus jamais, le droit à l’avortement doit être inscrit dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Manon Aubry, notre tête de liste aux élections européennes, portera cette revendication pour défendre ce droit fondamental partout en Europe. Vive la lutte féministe et internationaliste !