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VITE, la VIème République !

Dans le programme de l’Avenir en commun présenté pour les élections présidentielles de 2022, nous mettions en exergue dans le chapitre « Vivre libres et citoyens », cette citation de la communarde Louise Michel :

« Sans l’autorité d’un seul, il y aurait la lumière, il y aurait la vérité, il y aurait la justice. L’autorité d’un seul, c’est un crime. Ce que nous voulons, c’est l’autorité de tous. »

Aujourd’hui, alors que nous avons subi à tous les niveaux les effets chaotiques de la dissolution de l’Assemblée nationale décidée solitairement par le Président de la République Emmanuel Macron au soir des élections européennes le 9 juin, il est plus qu’urgent de mettre à l’ordre du jour l’abolition de la monarchie présidentielle, et donc de la Vème République. D’ailleurs, aucun régime parlementaire ne permet que le chef de l’exécutif dissolve le pouvoir législatif sans en subir les conséquences. Cette irresponsabilité d’un Président tout puissant n’est plus supportable par le pays.

Un Président à la dérive

La crise politique est désormais ouverte pour plusieurs mois avec la menace grandissante de l’extrême droite. Emmanuel Macron refuse de nommer un Premier ministre issu du Nouveau Front Populaire suite aux élections législatives du 7 juillet, contrairement à l’article 8 de la Constitution et à la tradition républicaine depuis 1877 où le Président de la IIIème République naissante, Mac Mahon qui restait monarchiste, a été contraint de se soumettre à la majorité républicaine de l’Assemblée nationale.

Le Président de la République, censé être le garant des institutions conformément à l’article 5 de la Constitution, devient ainsi le principal obstacle à l’application des règles démocratiques communes. L’autoritarisme présidentiel à l’œuvre depuis 2017 arrive donc à son summum, jusqu’à ne même plus respecter l’esprit de la Constitution de 1958 et des institutions républicaines.

A chaque crise sociale, écologique ou politique, Emmanuel Macron a mis en place des structures ad hoc pour y répondre, avec un vernis démocratique : assemblée citoyenne suite à la révolte des gilets jaunes, Convention citoyenne pour le climat pour lutter contre le dérèglement climatique, conseils nationaux de la refondation en l’absence de majorité absolue suite aux législatives de 2022.

Mais il apparaît que ces expériences relevaient de l’enfumage présidentiel et du fait du prince. Jamais Emmanuel Macron n’a véritablement voulu lâcher une partie de ses pouvoirs considérables conférés par la Vème République. Cette démesure a conduit à enterrer les cahiers de doléance des gilets jaunes et à piétiner les propositions de la Convention pour le climat. On aurait aussi peine à recenser le résultat de la comédie des conseils nationaux de la refondation de l’école ou de la santé par exemple.

Une Constitution malade

Le versant de cette mascarade a été l’abandon de plus en plus vertigineux du pouvoir dans la toute puissance de la répression et de la privation de nos libertés, préparant ainsi le terrain à l’extrême droite.

Avec le COVID 19, Emmanuel Macron a choisi de détourner le Conseil de défense en prétextant une guerre contre le virus, pour organiser l’opacité des prises de décisions et par conséquent l’irresponsabilité de son gouvernement. La violence policière de l’État a continué à s’abattre sur le peuple notamment les gilets jaunes, les écologistes, les syndicalistes et les jeunes racisés des quartiers populaires.

La Constitution de la Vème République c’est aussi l’usage du 49.3 jusqu’à la nausée pour contourner le vote à l’Assemblée nationale, y compris pour faire passer la réforme de la retraite à 64 ans voulu par Emmanuel Macron contre tous les syndicats et contre la très large majorité de l’opinion.

Au niveau international, domaine réservé aménagé par la Constitution de la Vème République, Emmanuel Macron a joué dangereusement l’escalade de la guerre en Ukraine et a organisé la paralysie coupable de la France et de l’Europe face aux massacres génocidaires perpétrés à Gaza. Quelle honte aussi de compter 10 morts en Nouvelle-Calédonie entièrement dus à sa gestion catastrophique du processus de décolonisation qui devra pour autant s’imposer en respect des accords de Matignon et de Nouméa.

Il est plus que temps d’en finir avec cette institution présidentielle. D’autant que la faiblesse des contre-pouvoirs et la centralisation de celui-ci donneraient des armes redoutables aux mains de l’extrême droite pour abattre les derniers remparts démocratiques et républicains de notre pays.

Pour une VIème République sociale, écologique, féministe et antiraciste

Évidemment, la fonction présidentielle n’est pas le seul problème dans notre Constitution actuelle qui souffre de nombreux maux : indépendance de la justice bafouée, faiblesse du parlement, rôle du Conseil constitutionnel à la solde des priorités économiques néolibérales, verrou réactionnaire du Sénat … les problèmes et les déséquilibres institutionnels ne manquent pas !

Mais la clef de voûte présidentielle, selon l’expression consacrée par les constitutionnalistes, s’avère de manière de plus en plus évidente comme le maillon faible de nos institutions. Emmanuel Macron pourrait donc, malgré lui, précipiter la chute de la Vème République.

C’est pourquoi le programme du Nouveau Front Populaire propose de passer à la VIème République par la convocation d’une assemblée constituante citoyenne élue, mise en place dans la cadre d’un référendum prévu par l’article 11 de notre Constitution actuelle. La fonction présidentielle devra être entièrement révisée, voire supprimée, tant nous sommes désormais instruits des conséquences de la personnalisation de la vie politique sur l’abaissement du débat public. Les écuries présidentielles absorbent toute la vie politique des organisations politiques et exigent des députés une obéissance aveugle.

Mais sans attendre le processus constituant indispensable, le Nouveau Front Populaire souhaite aussi abolir la monarchie présidentielle dans la pratique des institutions par l’instauration de la proportionnelle aux législatives avec des listes départementales, la revitalisation du parlement, l’abrogation du 49.3 et le renforcement de la démocratie locale dans l’unité de la République.

Le bilan chilien

Le bilan du processus constitutionnel chilien qui avait été engagé depuis 2019 doit nous alerter sur la méthode à entreprendre. En effet, la Constitution progressiste proposée au peuple chilien en septembre 2022 a été rejetée, sans doute car les aspirations populaires immédiates n’avaient pas été satisfaites. En décembre 2023, le peuple chilien a également rejeté une proposition de Constitution défendue par l’extrême droite. Le processus constituant a été de ce fait abandonné, laissant en place la Constitution néolibérale de 1980, rédigé par le dictateur Pinochet, pourtant fortement contestée par les grandes mobilisations sociales de 2019.

Nos revendications sociales et écologiques doivent donc être notre priorité si l’on veut retrouver de l’oxygène démocratique. Il faut redonner de l’espoir dans un avenir plus respectueux de l’humain et de la planète avec des mesures d’urgence : augmentation des salaires et des pensions, retraite à 60 ans, 32 h, défendre l’usage de l’eau comme bien commun, permettre l’accès aux produits issus de l’agriculture biologique et paysanne, accélération de la rénovation énergétique des logements pour baisser les charges, développement des services publics…

La révolution citoyenne dans les médias est aussi plus que jamais nécessaire car nous avons besoin d’une information libre et pluraliste pour engager un grand débat constitutionnel avec tous les citoyens.

Une sortie par le haut de la crise politique

Nous pouvons donc sortir de l’impasse de la Vème République à bout de souffle en mettant en place une VIème République au service des revendications populaires qui sont, de fait, incompatibles avec le système capitaliste. Cette VIème République doit, en ce sens, s’ancrer dans les entreprises et dans nos communes pour faire émerger sur la base du pouvoir des travailleur.euse.s et des citoyen.ne.s, la société écosocialiste que nous appelons de nos vœux.

De plus, engager ce processus constituant au cours de l’année 2025, serait une formidable manière de célébrer les vingt ans de la grande mobilisation de 2005 contre le Traité constitutionnel européen qui avait abouti à la victoire de la gauche de rupture en France. L’éducation populaire et l’expertise citoyenne mises en œuvre à l’époque avaient permis de déjouer tous les pronostics, en permettant une large délibération démocratique pour comprendre les enjeux sur nos vies d’un texte constitutionnel ardu. Malheureusement, les institutions de la Vème République et de l’Union Européenne ont permis de nier en 2007 ce choix démocratique.

Il est enfin crucial que la nouvelle constitution ne soit pas élaborée par des professionnels de la politique qui profitent largement des petits privilèges de la Vème République, au prix d’une déconnexion de plus en plus grande avec leurs électrices et électeurs. Il faut combattre l’idée de la loi d’airain de l’oligarchie qu’avait édicté le sociologue Robert Michel au début du XXème siècle pour décrire l’entre-soi des élites politiques. Il n’y a aucune fatalité en matière politique qui conduirait à la bureaucratisation de toute organisation qui prend de l’ampleur. A l’échelle de notre République, le non cumul des mandats et le référendum révocatoire sont par exemple de puissants outils démocratiques pour assurer le contrôle citoyen sur les élus.

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Le sursaut citoyen qui a permis la victoire contre l’extrême droite le 7 juillet ne doit pas être un simple sursis avant la catastrophe. La colère contre le système politique reste immense et l’obstruction d’Emmanuel Macron continue d’alimenter fortement ce ressentiment. Dans ce contexte inflammable, la revendication de la VIème République peut être un élément central pour contribuer à faire perdurer cette belle dynamique populaire et citoyenne.

Thomas DESSALLES

Créteil, le 17 juillet 2024

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