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Le 9 juin, nous voterons en France pour les élections européennes afin de renouveler les député.e.s du Parlement Européen qui seront désormais 720 au lieu de 705 compte tenu des évolutions démographiques. 83 député.e.s européen.ne.s seront dans ce cadre élu.e.s pour la France. Les militant.e.s de La France Insoumise sont engagé.e.s sur une grande campagne d’inscription sur les listes électorales car il est possible de s’inscrire jusqu’au 1er mai 2024 pour les inscriptions en ligne et jusqu’au 3 mai en Mairie. Nous appelons tous les concitoyens à s’inscrire ou à vérifier s’ils sont bien inscrits.

Les commentaires médiatiques se concentrent essentiellement sur les rapports de force au niveau de la France. Il nous apparaît utile de cerner en premier lieu les enjeux politiques à l’échelle européenne. Des spécificités apparaissent évidemment à cette échelle mais cette analyse permet aussi de mieux comprendre les stratégies des différentes forces politiques au niveau national.

Le rapport de force suite aux élections européennes de 2019

Il est nécessaire de comprendre qu’en l’absence d’une force politique accédant seule à la majorité absolue, suite aux élections européennes de 2019 et conformément au compromis historique au niveau européen des forces conservatrices et libérales, une alliance s’est forgée entre les sociaux démocrates (SD, socialistes en France), Renew Europe (où siège les macronistes) et le Parti populaire européen (EPP). Cette coalition permet d’obtenir une majorité confortable de plus de 400 député.e.s. Pour notre camp social, nos député.e.s LFI sont intégré.e.s au groupe LEFT co-présidé par Manon Aubry qui rassemble environ 38 députéEs qui défendent des politiques alternatives en Europe.

Voici donc le tableau du Parlement Européen sachant que des évolutions marginales ont pu intervenir entre les groupes en cours de mandat depuis les élections de 2019 :

Les trois forces à la droite du Parti populaire européen (EPP), Réformistes et Conservateurs Européens (ECR), Identité et Démocratie (ID) et non-inscrits forment un patchwork des droites extrêmes et de l’extrême droite. Ainsi, au sein des non-inscrits, siègent les député.e.s du Fidesz, parti de l’autocrate antisémite hongrois Victor Orban. Les député.e.s du RN sont regroupé.e.s au sein du groupe ID avec en particulier les fascistes italiens de la Ligue du Nord, dirigé par Matteo Salvini, et Alternative Für Deutschland (AFD), parti néonazi allemand. Enfin, le groupe ECR rassemble notamment l’extrême droite polonaise (PIS-Droit et Justice tout juste écarté du pouvoir en Pologne) et italienne (Fratelli d’Italia de Georgia Meloni au pouvoir en Italie). La principale ligne de fracture entre ces groupes, aggravée par la guerre en Ukraine, est le rapport à la Russie, soutenue traditionnellement par le Fidesz et le groupe ID.

C’est dans ce cadre que nous pouvons lire les résultats des élections européennes de 2019 sachant qu’il est nécessaire de passer la barre de 5 % pour obtenir des sièges, proportionnellement aux résultats électoraux.

Pour la deuxième fois de son histoire avec les élections de 2014, le RN parvenait en 2019 à obtenir le score le plus élevé. Après son émergence dans les années 80 à un peu plus de 10 % et ceci pendant trois élections européennes, il avait été ensuite systématiquement en deçà à partir des élections européennes de 1999. On note également le bon résultat d’EELV pour une élection où son électorat est toujours mobilisé. De notre côté, nous avions mené une belle campagne pour la liste menée par Manon Aubry qui avait envoyé six élu.e.s au Parlement européen.

Il faut néanmoins relativiser fortement cette cartographie car la participation populaire est très faible pour une institution jugée technocratique et peu démocratique. Si on regarde une nouvelle fois à l’échelle européenne, on constate que la crise démocratique était forte dans tous les pays européens lors de l’élection de 2019, la France se retrouvant finalement à la moyenne des taux de participation qui atteint péniblement 55,66 %.

Quelles sont les projections pour les élections européennes de 2024 ?

Une tendance semble se dessiner où l’on voit que la NUPES paie très cher les stratégies de division avec un émiettement en dessous de 10 % des partis de gauche et une concurrence délétère pour savoir qui arrivera le premier à ces élections qui on l’a vu ne sont pas déterminantes pour dessiner le paysage politique national. Face aux menaces climatiques, géopolitiques et la montée des fascistes, tout cela semble tellement dérisoire ! Voici l’état des rapports de force au 21 novembre 2023 selon un sondage OpinionWay – Les Echos – Radio Classique qui n’a pas beaucoup évolué depuis :

En termes de projection sur la base d’une enquête ODOXA publiée le 19 décembre 2023, on constate en particulier la progression très forte de l’extrême droite qui gagnerait 11 sièges si on compile les résultats attendus des listes menées par Marion Maréchal Lepen pour Reconquête et Jordan Bardella pour le RN. Le désespoir semé par Macron et ses gouvernements successifs est pour une grande part dans ce naufrage démocratique annoncé. Comment faire barrage à une force avec qui on reprend les idées jusqu’à la nausée, avec qui on manifeste et désormais avec qui on vote la loi infâme de Darmanin ! On constate d’ailleurs une baisse sensible du nombre de sièges de la macronie avec une perte de trois sièges. La stratégie solitaire d’EELV et un début de campagne ratée pour Marie Toussaint sont sans doute sanctionnés par une perte de 8 sièges dans cette projection qu’il faut néanmoins prendre avec des pincettes car les sondeurs sous-estiment systématiquement les écologistes et la LFI qui en l’espèce, se maintient. A noter que les sondages ne considèrent qu’une FI partant seule sans tenir compte de l’Union populaire que nous construisons avec l’appui de syndicalistes, activistes, militant·es associatifs, intellectuel·les ou artistes.

Combattre le fatalisme à l’échelle européenne, ils ne passeront pas !

Si on revient à l’échelle européenne, les évolutions se traduisent par une progression tout aussi inquiétante de l’extrême droite qui pourrait gagner une cinquantaine de sièges au Parlement européen. Au point que Manfred Weber, président du Parti Populaire Européen envisage désormais une alliance avec le groupe d’extrême droite des Réformistes et Conservateurs Européens (ECR). Ce serait un basculement historique et une rupture avec le compromis passé avec les sociaux-démocrates. En cela, la loi immigration adoptée par les macronistes, LR et le RN au niveau national forme un tout avec la signature du Pacte européen sur la migration et l’asile qui radicalise toujours plus les pouvoirs en place dans la stigmatisation de l’étranger, pour propager les haines et la division.

La progression de l’extrême droite dans de nombreux pays et sa participation à des gouvernements explique de manière mécanique cette évolution au niveau européen. Mais les élections européennes peuvent être aussi l’occasion de mettre un coup d’arrêt à cette progression en dénonçant l’imposture sociale, le déni climatique et anti écologique, le mépris des libertés et des minorités, la violence contre les femmes, l’affaiblissement de nos outils démocratiques (presse libre, justice indépendante …) que prône l’extrême droite.

Lucides sur cette réalité politique, nous ne sommes pas pour autant fatalistes et notre volonté politique est toute entière orientée pour éviter un effondrement moral et politique qui reculerait sine die les possibilités de construire une société émancipatrice écosocialiste, en commençant par la mise en œuvre du programme de rupture de la NUPES.

Il faut noter en premier lieu que les mouvements sociaux et citoyens sont encore bien vivants en Europe. Ils montrent l’exemple pour réclamer des hausses de salaires contre l’inflation, pour généraliser et défendre le droit à l’IVG, pour lutter pour exiger la paix en Ukraine, en Palestine et partout dans le monde.

C’est aussi pourquoi nous n’avons pas renoncé à la politique de la main tendue avec toutes les forces de la NUPES. Manuel Bompard, coordinateur national de la France Insoumise a encore renouvelé ses propositions de rencontre en ce début d’année bien qu’à ce stade, seul le mouvement Génération.s ait répondu positivement. Mathilde Panot a aussi évoqué récemment en ce sens que nous avons un immense devoir de responsabilité.

Le programme européen des jeunes de la NUPES est aussi un formidable point d’appui qui démontre l’intérêt de la jeunesse pour un autre avenir que celui que les puissants leur destinent. Le NPA a demandé également à engager des discussions constructives sur la base du programme de la NUPES, malgré les désaccords.

Il faut aussi souligner que la mobilisation contre la loi immigration permet aussi de mener une bataille commune à l’assemblée nationale et dans la rue.

Le sursaut de toutes les forces de gauche de rupture avec le système capitaliste est donc indispensable ! Ne tardons plus et travaillons à faire émerger l’espoir en Europe et en France pour notre camp social, indispensable à nos futures conquêtes de liberté et de droits nouveaux.

Thomas DESSALLES – Co-animateur de Créteil Insoumise